Je viens te hanter avant que ton maître ne te dise de me le faire

J'arrêtai la musique et me tournai vers Karasu...

- Et maintenant... ?

J'attendis que ce soit lui qui avance plus profondément dans l'eau.

Je me mordillai nerveusement la lèvre inférieur. Je n'entendai que les battements de mon coeur, violent, tellement violent qu'il aurait pu s'échapper de ma poitrine. J'avançai lentement jusqu'à Karasu. Alors que l'eau lui arrivait à la taille, à moi, elle m'arrivait déjà sous la poitrine. Je me rapprochai de Karasu. Pour une fois, je désirai plus que tout sa présence, rassurante.

Je souris nerveusement lorsqu'il remonta à la surface pour sa dernière précision. J'avançai encore dans l'eau, jusqu'à ce que cette dernière m'arrive sous le menton.
Allez Norah ! C'est pas la mort !
Je retins un gémissement de peur. Je savais nager, j'avais appris à nager alors pourquoi avais-je aussi peur de me noyer ?
Je levai les yeux au ciel. Mes cheveux flottaient tout autour de moi, telles des algues noires. Des paroles de réconfort d'Hayato me revinrent en mémoire. Finalement, il ne m'avait pas quittée. Il ne m'avait jamais quitté. Il était toujours là, en pensée.
Me mettant à penser à lui, à sa présence, je basculai doucement dans l'eau. Je sentis le sel au contact de mes lèvres. N'arrivant plus à me focaliser sur mes souvenirs, je me concentrai sur les particules d'air.
Les particules d'air. Les particules d'eau. Assemblées. Séparées.
Je pouvais faire de même. Je pouvais créer ma propre sphère protectrice avec assez de volonté.

Tandis que l'eau s'écartait de mon visage, j'observai les mouvements des particules d'air à ce moment pour être capable de reproduire ce phénomène.
Je saisis la main de Karasu et la lui serrai doucement pour lui signifier que tout allait bien... pour l'instant.

Je senti Karasu reculer. Je ne compris pas tout de suite ce qu'il attendait, ce fut pourquoi je paniquai un bref instant, jetant des regards quasi terrorisés autour de moi.
Puis, comprenant, je bougeai assez pour lui faire face. Je le regardai droit dans les yeux.

Je suivis son mouvement. Arrivée à la surface, je le regardai, interrogatrice. Que voulait-il ? J'avais peur de ne pas retrouver la force de retourner sous l'eau.

Je le regardai longuement, écartant quelques mèches trempées de mon visage. Puis je me rapprochai de lui et posai mes mains sur ses épaules.

- ça me dit...

- Je n'hésiterai pas.

Je le regardai de nouveau sous l'eau. Puis il se transforma. Arrivé à ma hauteur, j'enserai son cou de dauphin et murmurai :

- Prête...

Sur ce, je me concentrai sur les particules d'air. L'eau à quelques centimètres de mon visage s'écarta légèrement. Il valait mieux que je laisse ce travail à Karasu. Je me demandai si ce n'était pas trop compliqué de faire pleins de choses en même temps.

Je me sentais glisser sur son corps lisse. Je jetai un coup d'oeil vers le fond. Il fallait que j'évite de regarder en haut, sinon je n'aurai de cesse de vouloir remonter.
Des poissons multicolores nageaient en dessous de nous. On avançait vite !

C'était magnifique. Des corails et des poissons de toutes sortes vivaient là, paisiblement. Tellement paisiblement que j'étais presque jalouse d'eux.
Un faisceau lumineux venait éclairer un léger renfoncement dans un corail. Là, était réfugié des petits poissons plus peureux que d'autres.
Je me décrispai sur le dos de Karasu et me permis un doux sourire à ces poissons craintifs.

Karasu se rapprocha doucement des coraux. Je détendis les bras. Seules les paumes de mes mains le touchait. Tout mon corps était en suspension dans l'eau.
Des poissons vinrent danser autour de nous. L'un d'entre eux vint malheureusement s'emmêler dans ma longue chevelure flottante. Je le dégageais doucement. Il partit aussi vite qu'il était venue. Dans sa maladresse, il me rappelai un peu Karasu... Enfin le Akira que j'avais rencontrée pour la première fois.

Je ne portais pas attention à le retransformation de Karasu.
J'agrandis mes yeux, autant surprise qu'admirative. Je me tournai vers lui, souriant à moitié. Je n'osais pas parler de peur de briser cet instant.
J'avais l'impression d'être au centre d'un arc-en-ciel. Je n'avais plus peur. Loin de là. J'étais comme au chaud au fond de mon lit...
Flottant toujours, je ramenai mes genoux contre ma poitrine et me permis de poser ma tête sur l'épaule de Karasu. Je restai ainsi, immobile, à admirer le magnifique spectacle qui nous faisait face.
J'aurai pu rester là des heures entières.

A un moment donné, un rayon mal réfléchi vint directement se loger sur ma rétine. Je fermai vivement les yeux. En à peine quelques secondes, je ressentis de nouveau le froid de l'eau. Des frissons me parcoururent. Je rouvris les yeux et m'écartai de Karasu.
Les poissons qui s'étaient rapprochés de nous -ils étaient certainement une centaine peut-être même plus- dansèrent quelques secondes dans mon sillage avant de retourner se cacher.

- On peut remonter s'il te plaît ?

Je levai les yeux vers le ciel... ou plutôt le soleil qui semblait bien avancer là-haut. Combien de temps était restée là-dessous ?