Cette boîte... [libre]

" Mais où est-elle ?!"
Mon rêve avait avancé. Cette fois, à la fin, je voyais cette boîte. Cette énorme boîte, si précieuse.
Elle me paraissait énorme parce que dans ce rêve, j'étais ridiculement petite. Je ne me souvenais même pas avoir été aussi petite.
J'avais retourné ma chambre de fond en comble sans trouver cette boîte. Je savais que je l'avais. Je savais aussi que je ne l'avais jamais ouverte. Et je savais qu'elle renfermait une part de mon passé. Une part de vérité.

- Où elle est, merde ?!
J'ouvris ma valise de vêtement et la retournai. N'y trouvant rien, je la balançai contre le mur, énervée.
Je me retournai brusquement en entendant quelque chose en tomber.

- Trouvé.
Je m'agenouillai devant la boîte. Si ridiculement petite désormais. Elle était caché dans la valise mais pas là où on chercherait en général. Le fond de l'objet était tombé sous le choc.

Je pris la boîte dans mes mains tremblantes, et me mis à tourner en rond dans ma chambre.
Tourner, tourner, tourner...
Je finis par sortir. Je marchais sans but.
Je finis par me retrouver à cet endroit, avec toutes ses fleurs.
Je me laissai tomber à genoux, jetai l'objet loin de moi. Je n'arrivais pas à l'ouvrir, je n'en trouvais pas la force.

J'entendis quelqu'un entrer dans le végétarium. Je sursautai, surprise. J'étais persuadée d'être seule à cet heure-ci. La nuit commençait à tomber.

- Y a quelqu'un ? demandai-je inquiète.

Ce silence était effrayant.
J'étais venue pour me composer un bouquet de roses. Je posai celles que j'avais prise sur une table et m'avançai doucement vers l'entrée.
J'aperçu alors une fille en uniforme, agenouillée, le regard levé vers le ciel. On aurait presque dit qu'elle priait, mais elle avait les poings serrés.

- Est-ce que vous allez bien ? l'interrogeai-je en m'avançant lentement.

Je butai contre une boîte. C'est alors que son visage se tourna vers moi et elle me fixa avec ses deux grands yeux bruns. Ce regard... m'effrayait.

Je n'avais pas entendu la fille venir. Ni parler d'ailleurs. Mais lorsqu'elle donna un coup de pied dans ma précieuse boîte, je me retournai vers elle, le regard noir.
Elle se figea.

- Bonjour, fis-je en tentant de la décrisper.

Je n'aurais pas dû mal la regarder.

-... Bonsoir...
Je la fixai longuement comme elle ne détachait pas son regard de mon visage. Je me penchai, hésitante, vers l'objet. Je le ramassai et allai le lui tendre.

- Euh... Elle vous appartient n'est-ce pas ?
Nous nous fixions l'une et l'autre, et malgré son ton détendu, je ne pouvais m'empêcher d'être effrayer.

La fille était vraiment crispée. Et en plus elle tenait la boîte du bout des doigts. Vas-y ! Dis que je fais peur tant que t'y es !
Je soupirai et pris la boîte. Puis je me levai pour mieux lui faire face.

- Merci. Oui c'est à moi.
Elle était légèrement plus petite que moi. Ses cheveux étaient d'un noir absolu et ses yeux ressemblaient à la voûte céleste par une belle nuit d'été... C'est poétique ça !
Par contre, ça contrastait pas mal avec ses traits fins et sa pâleur.

- Tu peux me tutoyer tu sais...
J'esquissai un sourire. Ce vouvoiement me stressait plus qu'autre chose.

- Je m'appelle Léonie au fait.

Je m'écartai d'un pas, considérant qu'elle était beaucoup trop près de moi. Elle était plus grande que moi... Peut-être plus âgée je n'en savais rien. En tout cas, les différentes expressions que prenaient tour à tour son visage ressemblaient à celles d'un enfant. D'ailleurs, ce visage ne m'était pas complètement inconnue, bien que j'étais sûre et certaine de ne jamais lui avoir adressée la parole.
Je fronçais légèrement les sourcils à ses réponses.

- Si vous... tu veux.

Cette Léonie ne m'était pas familière, ça faisait à peine une minute que nous nous parlions et elle voulait que je la tutoie.

- Norah Liefers, enchantée... Est-ce que vous allez bien ? Vous étiez agenouillée et vous aviez l'air ... desespérée.

Je levai les yeux au ciel et fis tourner la boîte entre mes mains. Ce vouvoiement me crispait ! Vraiment ! ça vieillissait en plus ! J'étais pas une vieille moi !
Mais bon... Si c'est sa façon de parler...
Lorsqu'elle se présenta à son tour, la boîte m'échappa.

- Liefers ?
Ce nom me disait quelque chose.

- Tu serais pas la fille de cette femme qui peint des tableaux ahurissants ?
Haha ! Vous ne vous attendiez pas à ce que je m'y connaisse en objet de musée avouez ?
J'ignorai complètement sa question ainsi que sa remarque... Pour le moment, ça ne servait absolument à rin d'y répondre.

Je la regardai avec de grands yeux.

-Euh... Oui...
Je m'éloignai encore d'un pas. La présence de cette fille m'oppressait un peu plus à chaque instant.

- Euh... Je...
Je voulais partir le plus vite possible, mais je n'avais aucune raison de m'en aller. elle aurait l'impression que je la fuyai... C'était ce que me criait tout mon être.

- J'ai quelque chose d'urgent à faire, excusez-moi.
Je la saluai et me dirigeai rapidement vers la sortie.

Je soupirai. Super ! Soit je l'avais vexée, soit je l'avais gênée.
J'avais remarqué qu'elle s'éloignait un peu plus à chaque fois, et voilà que maintenant elle s'en allait carrément.
Je devais sacrément l'effrayer... Mais qu'est-ce que j'avais au juste ?
Je ne me retournai pas lorsqu'elle s'en allai, mais devinant qu'elle allait ouvrir la porte, je dis assez fort :

- Je suis pas désespérée.
Je me retournai enfin et la regardai en baissant légèrement la tête.

- Je suis juste lâche.
Pourquoi je disais ça à cette fille au fait ?

Ma main s'était figée sur la poignée. Sa voix avait changé. Elle était neutre et ne dégageai absolument rien. Elle semblait seulement énoncer une vérité.
Je me retournai et la regardai un long moment.

- Pourquoi dites-vous ça ?

Je finis par sourire, ravie de constater qu'elle n'ouvrait pas la porte au final.

- Je t'ai déjà dit que tu pouvais me tutoyer, non ?
Je ramassai la boîte à mes pieds et m'approchai d'elle, mystérieuse. Le silence qui régnait et le coucher du soleil rendait la scène presque solennel. Je souris intérieurement. Je devais l'impressionner là non ?

- ça t'es déjà arrivé d'être incapable de faire quelque chose de simple et apparemment dérisoire par peur de ce qui pourrait arriver après ?

Je fronçais les sourcils, comprenant vaguement où elle voulait en venir. J'avais l'impression qu'elle me retenait le plus longtemps qu'elle pouvait auprès d'elle. Comme si elle craignait d'être seule à nouveau. Je ne la comprenait pas. Elle aurait dû aller voir un ami si elle voulait de la compagnie. J'étais une inconnue pour elle.

- Tu veux que je t'aide à l'ouvrir ?
Ces quelques mots étaient sortis d'eux-même. Je n'avais pas vraiment réfléchi, et maintenant je regrettais ma question. Mais je ne pouvais pas lui dire d'oublier, c'était malpolie et ça la blesserait sûrement... et je ne savais pas de quoi était capable cette fille... Toutes ces choses qui passaient dans ses yeux...

Un sourire illumina mon visage. Peut-être bien que cette Norah pouvait m'aider...
J'acquiesçai vivement et lui tendis la boîte pour qu'elle l'ouvre à ma place. Même si je n'arrivais pas à l'ouvrir par lâcheté, un coup d'oeil, un simple coup d'oeil à ce qu'il y avait à l'intérieur pourrait certainement me rappeler des choses !

A son sourire ravie, je gardai une expression neutre et pris un ton plus froid.

- Ah. Je n'ai pas dit que j'allais l'ouvrir à ta place, juste t'aider à le faire.
Je pris une profonde insipiration, qui gonfla ma poitrine douloureusement. Mon état semblait s'empirer. J'expirai doucement tout en me dirigeant vers une petite table ronde près de nombreux pots de camélias.
Je m'assis sur l'une des chaises et l'attendis. Je ne comprenais pas son intéret pour cette boîte mais elle était très certainement importante.

Mon sourire s'effaça en un temps record lorsqu'elle se remit à parler... Elle se fiche de moi ? Elle pourrait être plus gentille !
Je pivotai sur mes talons et allai m'asseoir en face d'elle... Ce qui tait une assez mauvaise idée parce que le soleil se couchait juste derrière elle, et donc je ne la voyais pas bien.
Je posai ma boîte sur la table, juste entre nous deux et attendis. Mais comme elle ne se décidait pas à reprendre la parole.

- Et... Qu'est-ce que tu comptes faire pour m'aider ? Faire la psychologue ?

Je haussai les épaules toute en répondant :

- Si c'est ça qui peut t'aider...
Je marquai à nouveau une longue pose mais elle ne reprit pas la parole. Elle faisait un peu la moue, et la voir plisser des yeux pour me regarder avait quelque chose d'assez comique.

-... Euh... Pourquoi tu tiens tant que ça à ouvrir cette boîte ?
J'avais remplacé ma question initiale (Pourquoi moi ?) par celle-ci qui pouvait certainement plus faire avancer notre échange qui ne volait pas bien haut.

Je soupirai, et baissai les yeux sur mes mains, posé sur mes cuisses.

- Parce que...

ça me semblait bien plus facile de lui parler à elle, qui ne me connaissait pas. Elle ne connaissait rien. Ce n'était pas mon amie et quoiqu'elle puisse penser de moi, ça ne me faisait ni chaud ni froid. Pourquoi c'était si compliqué de parler de son passé à des gens pour qui on avait de l'affection ?

- Parce que là-dedans, il y a une vérité que j'ai toujours nié au point de ne pas m'en souvenir... Et maintenant... Maintenant, je crois que c'est vraiment important de savoir la vérité... même si c'est pas très jolie...

Je soupirai à nouveau et laissai mon regard vagabonder sur le sol.

J'arrive pas à l'ouvrir toute seule... Je crois que j'ai vraiment peur...

Je l'écoutai silencieuse.

- ...
J'ouvris la bouche pour dire quelque chose mais ça ne servait à rien de l'encombrer davantage avec mes propres questions. Si elle pensait réellement que sa vérité n'avait réellement rien de très reluisant. J'éprouvais une certaine compassion pour cette fille. Peut-être qu'en d'autres circonstances elle m'aurait agacée, c'était même certain.

- Tu sais... Ce n'est qu'une boîte. Il n'y a qu'à soulever le couvercle... Et puis tu sais, je suis là. Tu n'es pas seule. Si ce que tu découvres à l'intérieur te fais souffrir, tu peux m'en parler. Je ne te jugerais pas. De toute façon, je n'aurais pas ce droit. Affronter ses démons est si compliqué que je pourrais difficilement te reprocher ton courage.
Je me surpris à lui sourire chaleureusement. Je m'avançai un peu et poussai la boîte vers elle. J'attendis qu'elle pose ses mains sur les côtés du couvercles pour les recouvrir des miennes.

Je la regardai droit dans les yeux, presque surprise qu'elle me dise ça. Lorsqu'elle se mit à me sourire, j'eus l'impression d'avoir... une mère en face de moi. Loin de moi l'idée de me moquer, mais c'était réellement l'impression qu'elle me donnait. J'avais cette envie qu'elle me prenne dans ses bras et qu'elle me console indéfiniment, de toutes mes faiblesses.
Le sourire qu'elle avait était réellement celui d'une mère.
Tout en la regardant, je posai mes mains sur la boîte et laissai les siennes recouvrirent les miennes. Elles étaient si froides. Je l'embêtai avec mes problèmes, mais maintenant, je me demandai si ce n'était pas elle qui avait besoin d'aide. Sa peau si pâle, ses doigts froids...
Je retirai doucement le couvercle avec son aide, sans pour autant regarder à l'intérieur. Que pouvais-je y trouver ?
J'inspirai profondément et baissai les yeux vers l'objet.

Mes yeux s'agrandirent de surprise lorsque je vis ce qu'elle redoutait tant. J'avais pensé à un cd, ou à une lettre... quelque chose de plus significatif qu'un casque audio vert pomme !
Je fus d'autant plus surprise lorsque je levai les yeux vers Léonie. Des larmes perlaient silencieusement sur ses joues. Elle était complètement immobile.
J'attendis tout aussi silencieuse que quelque chose se passe.

A la vue de ce casque, un vague de souvenirs remontèrent en moi. Des images bien précises, des sons, des odeurs… des douleurs aussi.
Ma vue se brouilla mais ça n’avait pas tellement d’importance. Je sentis mes doigts s’avancer vers l’objet, mais je ne les voyais pas. J’étais ailleurs.
J’étais dans un couloir étroit, mais cependant d’une blancheur immaculé. Face à moi se tenait un petit garçon de 10-11 ans qui me souriait, à moi petite fille d’à peine 4 ans. Je le voyais à travers les nombreuses mèches de cheveux qui me barraient le visage, conséquence d’un exil en Italie qui avait effectivement eu lieu. Ma mère, cette femme si belle et rayonnante, mais aussi si dangereuse et impitoyable, s’accroupit entre nous deux et nous présenta. Il se nommait Léo, mais dans ces locaux blancs, il était le numéro 1, Ichi. Moi, j’étais Yua, mais ici je serais Ni, numéro 2.
Le décor changea et je me retrouvais derrière un vitre en plexiglas, à observer la mer qui s’étendait à perte de vue. Léo se tenait à côté de moi, à jouer à la console. Je lui jetai un regard froid et lui dis d’un ton brusque de l’éteindre car elle me donnait mal à la tête alors que pourtant, il n’avait pas mis le son. Il soupira et fit ce que je lui demandai avec son habituel sourire. J’avais 5 ans.
Le lieu changea à nouveau, et cette fois, j’étais sur un lit en train de lire. Léo était toujours là.
-Un jour je te ferais sortir d’ici, je te promets.
Je levai les yeux, perplexe. Mais il souriait, encore et toujours. Mais ce sourire était si triste comparé aux autres. Il se leva et posa son front contre le mien. Sa chevelure brune s’emmêlait avec la mienne qui formait alors de bien jolis boucles.
-Je te promets.
A cet instant, des blouses blanches entrèrent et me demandèrent de les suivre, en m’appelant par mon numéro, ce qui ne me choqua pas. Léo tressaillit, mais là encore, ça ne me surprit pas.
Ils m’emmenèrent dans le laboratoire de mes récents rêves, m’allongèrent sur une table d’opération et me collèrent les électrodes comme si c’était tout ce qu’il y avait de plus courant. La même expérience que dans mes rêves se déroula, mais Léo n’intervint pas. Pas cette fois.

Je levai les yeux vers Norah, n’arrivant plus à retenir le flot de mes larmes.
-J’ai menti. J’ai tellement menti.

Je me mordillai discrètement la lèvre inférieur. Sa détresse me destabilisait.
Je me levai et allai la prendre dans mes bras.

- Tout le monde ment. Moi aussi j'ai menti. J'ai beaucoup menti...
Je retins un soupir. Je n'arrivais pas à trouver de mots consolateurs, à trouver les mots justes. J'ignorais ce qu'il se passait dans sa tête, elle était insondable.
Comme elle ne réagissait pas, je la berçai doucement, qu'elle cesse de pleurer. Qu'elle se sente un peu mieux.
Je fus brusuement prise d'une crampe aux poumons. Je ne laissai pas paraître ma douleur bien que j'avais envie de me recroqueviller sur moi-même.
Puis la crampe s'étendit à mon ventre, descendit dans mes jambes. Mon coeur cessa de battre sans signe avant coureur. Je lâchai Léonie...
Ma vue se brouilla...
Je...

Je me laissai aller contre elle. Elle avait l'aura d'une mère. Elle n'avait pas réellement besoin de parler, sa présence seule suffisait.
Le flot de mes larmes se tarit peu à peu. Je fermai les yeux, puis, soudainement, je la sentis se crisper et les rouvris presque aussitôt.
Je ne voyais pas son visage mais je sentais que quelque chose n'allait pas. Je n'osai pas parler pour lui demander si tout allait bien, de peur de briser ce silence presque sacré. Pourtant, je ne pus me retenir lorsqu'elle dessera son étreinte. Je la sentis partir en arrière. Elle était aussi pâle qu'une morte.

- Est-ce que...

Son crâne heurta le sol aussi rapidement que violemment.

- Norah ? Norah !

Je ne comprenais pas ce qu'il se passait.

- Norah !

Je m'agenouillai près d'elle et la soulevai doucement.

- Tu m'entends ?
Je ne connaissais pas les gestes de secours, même les plus basiques.

- S'il te plaît réponds-moi !

Mes mains tremblaient. Mon corps avait compris bien avant ma petite cervelle d'égoïste.
Elle ne respirait plus. Son coeur ne battait plus.
Elle était morte ? Morte ?

- NON !

Je cherchai, affolée autour de moi. Le soleil se couchait.

- AIDEZ- MOI !!

J'essayai de la traîner en dehors du vegetarium. C'était à cause de moi ? Elle était morte par ma faute ? Qu'est-ce que j'avais fait ? Qu'est-ce que je n'avais pas vu ?
J'appelai à nouveau à l'aide.
Je voulais essayer de me téléporter avec elle, mais c'était vain. Je n'en étais plus capable. Même plus toute seule. Je le savais. Je le sentais au fond de moi.
Je commençais réellement à paniquer.

- Pitié... gémis-je.