Sauvage et tristesse

Un paysage lunaire, de lames de montagnes entassées et enchevêtrées. Une pluie moite et sucrée, on dirait que le ciel suinte du glucose...
J'aime ces lieux sauvages et volcaniques où je me sens seule au monde - presque plus que d'habitude - et puissante, puissante à n'en plus savoir que faire. Mais qu'est-ce que je déteste ce ciel au bleu morbide, qui me nargue de métaphysique et n'a même pas la force de recouvrir ces beaux pics de basalte, avec son crachin visqueux...

J'escalade un promontoire rocheux, fière, mes cheveux me font sur les tempes un casque de cuivre à l'aigrette enflammée. Liberté... Je respire le bent, heureuse de n'être rien sinon les éléments qui m'entourent.

Je suis une virgule - pas même - une apostrophe...

Et voilà que mes propres vers remontent à ma mémoire. Pourquoi m'as-tu quittée ? Reviens, reviens me détruire... c'est mon voeu le plus obsédé, le plus paradoxal.

De nouveau le soleil, cette grosse boule d'un jaune obscène. Est-ce que je vais me plaire ici ? Au moins j'arrêterai de vivre avec pour seuls compagnons un calame, un poignard et des souvenirs avortés...

Soudain un bruit derrière moi me fait tressauter. Confuse d'être surprise dans mes méditations, je saute lestement à bas de mon estrade et me prépare à fuir si l'intrusion devient trop oppressante.

[la suite à qui veut
hé ben, j'ai du mal à écrire à la 1° personne... faut sans cesse que je me reprenne ^^]

Tiens, une autre jeune fille rousse. Cruelle, cette couleur, pourtant pas si fréquente que ça et puis... ces cheveux fins, lisses, brillants, longs, qui me rappelaient cruellement mon père...
La jeune femme me parlait mais je ne comprenais pas un mot de ce qu'elle disait. Ben oui, Së est issue d'un peuple nomade, vous avez oublié ? Je parle un genre de mix d'arabe et de berbère, qui est ma langue maternelle ; bien sûr, je parlais aussi l'anglais, j'avais bien dû l'apprendre lorsqu'elle avait dû se rendre chez ce vieux guerrier lunatique et sympathique... qui, lui-même, était anglais.
Quelle langue celle-ci parlait-elle donc ? Je n'avais jamais eu l'occasion de découvrir beaucoup de pays excepté le mien et les Etats-Unis... et puis cette île, et les continents survolés dans l'hélicoptère qui m'y avait emmenée.
Pensive, je décidai de répondre en anglais. Après tout, elle me comprendrait sûrement mieux, et moi aussi.

"Mmh... bonjour. Së'ril. Tu es ?"

Je n'avais pas fait un mouvement vers elle... à moins qu'on ne compte pour un mouvement ce raidissement et ce palpitement cardiaque. Hé, calme-toi donc. Tu es censée être en sécurité ici, non ?

[Së est censée ne pas ENCORE avoir reçu le traducteur, hein ?]

[ah merde... désolée XD je croyais que c'était à l'initiation V.V bon, tant pis, on va dire, maintenant qu'on a commencé...]

Itaku. Pas très joli comme nom. Sonorités dures, presque crachantes. Mais la fille elle-même avait un air doux, dans ses yeux et ses traits... et infiniment las et triste. Enfin, ce n'était pas à moi de me préoccuper de ça ; j'avais assez à faire...

"Ben... Së'ril. C'est mon nom. Je viens d'arriver."

Ok, ne nous étendons pas trop ; ça fait déjà beaucoup de mots pour une première rencontre...

Së'ril n'avais pas l'air bien, mais en même temps, elle semblait distance, je préférais donc évitais de trop l'embêter avec mes questions et mes inquiétudes.

"Ben, je prend l'air^^. La cour est tellement grande, j'ame bien m'y predre pour réfléchir^^; Et toi, tu sera retrouvé ton chemin?"

Ouais, ça va.

J'aurais pu essayer de plaisanter par un "j'essaierai", j'aurais pu dire avec un sourire "je sais pas, y'a tellement de corridors", j'aurais pu lui demander son aide. J'aurais pu. Mais, satanée méfiance, je ne voulais pas.
Soudain, ça me brûla les lèvres, cette remarque. Je n'allais quand même pas... oh et puis, qu'est-ce que ça coûtait ? au besoin, après, je pouvais toujours me renfermer sur mon mutisme. Et je l'aurais dite, sortie, cette phrase oppressante.

Tu me rappelles mes parents...

Crispation de ma bouche. Serait-ce un début de crise de larme ? Non, par pitié, tout mais pas ça... Pas éclater de chagrin en public. Encore une fois, j'aurais mieux fait de me taire.

Oh je... nan, c'est bon, je vais y aller seule.

A nouveau, ma main se crispa sur le médaillon. Reflux de nostalgie ou pas, je fus soudain prise d'un élan d'affection pour cette fille à peu près inconnue. C'est-à-dire, traduit dans mes termes, que je voulais la quitter au plus vite. Je lui adressai néanmoins un signe cordial de la tête - c'était une grande marque de respect et de reconnaissance, de la part d'une fille aussi renfermée et peu démonstrative !

Merci pour les renseignements...

J'hésitai à l'ajouter. Le "tu es sympa" resta bloqué dans ma gorge. Pas encore assez d'affinités, ni de temps qu'on se connaissait, ni d'habitude à me trouver ici et à converser avec des étrangers.

Quant à moi, je jetai un dernier regard au paysage qui m'avait captivée et dégoûtée tout à la fois tout à l'heure, passai une main sur mon front pour éponger la sueur que me causait cette chaleur accablante et décidai de prendre le chemin de la salle d'entraînement. J'avais une soudaine envie de me défouler avec deux lames acérées sur quelque chose.

Cette fille avait l'air sympathique... j'avais aimé discuter avec elle, si cela pouvait s'appeler "discuter". En fait, non, elle ne m'était pas sympathique ; elle était juste douce, serviable, et elle me rappelait terriblement mon père et ma mère. Est-ce que je n'arriverais plus jamais à une relation désintéressée avec qui que ce soit ? Je veux dire, juste pour ce qu'ils sont et pas pour qui ils me rappellent de mon passé brouillon et tourbillon ?...

J'ai besoin de papier et d'acier. C'est tout. Parler avec les gens ne me fait rien, ni plaisir, ni colère... juste de l'indifférence. Juste ?

[topic fini]