Je ne tomberai plus ! ... (pas de réponse attendue)

**Alia** Dim 29 Nov - 0:25

Le hurlement d’un loup déchira la nuit.
Endormie dans mon lit d’hôpital depuis trop longtemps, le bruit me réveilla immédiatement. J’aurais pu reconnaître entre mille le cri de ce loup … Nul autre n’avait sa puissance et son timbre sauvage. Je sentis mon cœur faible tressauter dans ma poitrine.
Impossible.
Il était revenu … il était là. Il était là. Il était là !
J’ouvris les yeux dans le noir.

Je devais bouger. Je devais sortir. Je devais partir.

Je me redressai sur mon lit, enlevai mes perfusions une à une, ignorant la douleur et la sensation de la vie qui vous quitte goutte par goutte. J’enlevai mes patchs cardiaques, laissant résonner le long cri funèbre de mon électrocardiogramme au milieu de l’infirmerie vide qu’on avait pris soin d’évacuer.
Mais qui se serait préoccupé de la fille à moitié folle, en fin de vie, piégée dans ses draps blancs ?… Non, il y avait bien des vies à sauver, et prolonger la mienne était inutile.

Aussi j’étais seule.

Je regardai mon carnet osé sur ma table de chevet. J’avais pris une décision que je tiendrais coûte que coûte. Mais auparavant …
J’ouvris le carnet à une double page blanche, pris un crayon, et commençai à écrire.

« Akira. Oui, désolée, mais j'avais dit que je commencerais cette page par ton nom, même si maintenant tu t'appelles Karasu ... »

Au bout de quelques longues minutes, j’avais terminé. Je posai mon carnet sur ma table de chevet, puis soupirai avant de fermer les yeux. Mes derniers moments de faiblesse.

Lorsque je les rouvris, ils étaient brillants de détermination.

Assise sur mon lit, je regardai mes jambes amorphes. Je posai lentement un pied sur le sol, un deuxième, en appui sur mon lit. Je laissai aller mon poids tout doucement dans mes articulations meurtries soutenues par mes muscles déchirés. L’effort m’arracha un gémissement de douleur. Je me mordis la lèvre. Je ne devais pas me faire entendre tant que je n’étais pas en état de me battre.

Je secouai la tête, fermai les yeux, et me forçai à utiliser mes jambes inutilisables. Chaque pas faisait se détruire un peu plus mes cellules, mes muscles, mes tendons, mes os brisés, je le sentais du plus profond de moi-même.

Je me forçai à avancer, de plus en plus vite, puis finis par me lâcher. Je me forçai à rester stable, luttant contre la douleur fulgurante qui m’avait assaillie. C’était comme marcher sur des milliers de copaux de verre. C’était comme marcher avec des clous sous la plante des pieds. C’était comme marcher en vous faisant dévorer les jambes par des flammes ardentes.

En tellement plus douloureux … Je me mis une claque, et partis enfiler mes affaires, ce que je m’efforçai de faire le plus rapidement possible, réveillant mes muscles endormis, faisant gronder en moi l’envie de vivre que je croyais enfuie depuis longtemps.

Au bout d’une demie heure, je pouvais marcher, courir, en oubliant la douleur qui me rongeait comme un feu ardent. J’attachai ma ceinture autour de ma taille, mes deux dagues et mes deux revolvers battant mes hanches dans un cliquetis de mort.

Il ne me restait plus que mes pouvoirs. Impossible de les réveiller … Je ne pouvais pas me transformer, pas utiliser l’eau. Je regardai la fenêtre. J’étais au cinquième étage.

Je n’étais rien si je n’étais pas Loup. Je n’étais plus rien si je n’étais pas Aigle. Je n’étais plus rien, si je n’étais pas Electra.

Je pris mon élan et courus jusqu’à la fenêtre que je brisai en mille morceaux pour commencer une chute vertigineuse.

J’étais au quatrième étage lorsque je me rétablis.

Troisième étage. Je tombais de plus en plus vite, essayant de me transformer. Si je n’y arrivais pas maintenant, je n’y arriverais jamais.

Deuxième étage. Ma chute était inéluctable. J’allais mourir, parce que j’étais incapable d’être forte.

Premier étage. Je discernais toutes les silhouettes de la cour, qui se battaient, qui fuyaient, qui mouraient. Moi, je ne voulais pas mourir.

Je ne voulais pas mourir.

Je ne voulais pas mourir.

Je me roulai en boule.

Rez-de -chaussée. Je suis à un mètre du sol, et je m’envole. Je prends rapidement de l’altitude, transformé en aigle royal d’un blanc éclatant.

J’ai réussi. Enfin.

Je me pose au sol, me transforme en humaine de nouveau, commence à courir, veux me transformer en Loup.

Trois secondes après, une louve aussi blanche que l’aigle que j’étais foule l’institut de ses pattes puissantes. Je suis immense, presque un mètre cinquante au garrot. Et je cours avec une aisance folle.

Soudain, je m’arrête. Si je cours vers Zane, je veux le faire avec Karasu. Je renifle l’air quelques instants, change de direction et galope à toute allure vers lui.

Faites que je tienne … Faites que je tienne …

Je veux le voir, je veux les voir, je veux leur montrer, je vais leur montrer !