Retrouver des souvenirs ou peut-être les partager ? [Privé]

Je m'adossai contre la porte ouverte, la regardant s'exercer. Aussi étrange que cela puisse paraître, le vent m'avait porté son odeur. Je ne pouvais pas percevoir les sons avec l'air. Ma maîtrise de l'élément était... abominable. Même si je ne voyais pas l'intérêt de le maitriser, je ne pouvais pas m'empêcher de m'y entraîner.
Son odeur était celle d'une fleur. De celle d'un lys. Peut-être était-ce mon imagination ? Elle se tourna vers moi, souriante.

- Bonjour Storm, fis-je d'un ton léger.

Je me redressai quand elle s'approcha de moi et la regardai droit dans les yeux.

- ça va...

Je levai une main au niveau de mon buste et la fixai longuement avant de poursuivre. J'imaginai déjà sa prochaine question, qui me paraissait étrangement évidente, comme s'il avait suffi d'un regard ou d'un geste. Je ne l'avais pas vu à mon initiation.

- J'ai un peu de mal avec la maîtrise de l'air mais ça viendra forcément avec le temps... non ?

Si je ne m'entraînais pas, il était certain que je ne m'améliorerai pas. Je n'avais pas encore l'occasion de tester mon autre "don".

- Et toi ça va ?

Mes traits dessinèrent un air surpris. Elle avait... pensé à moi ? Nous ne nous étions rencontrées qu'une seule fois et elle avait quand même pensé à moi. Je lui adressai un doux demi-sourire reconnaissant. Puis je repris la parole en levant les mains devant moi :

- Je n'ai plus mes béquilles. C'est beaucoup mieux comme ça.

Je regardai autour de moi, puis décidai d'aller m'asseoir sur un banc de la salle.

- Tu t'entraînes depuis longtemps ?

Je fis non de la tête.

- Tu savais que tu avais l'odeur du lys ? dis-je comme si c'était tout à fait normal de dire ça au cours d'une conversation.

Mon regard balaya la salle. Je plissai les yeux, puis les frottais pour être bien sûr que je ne rêvais pas.

- C'est ton chat ?

Je désignai la boule orange à l'autre bout de la pièce. Sans attendre la réponse évidente à ma question, je repris :

- Tu voudras bien me montrer quelques trucs avec l'air ?

Je réfléchis un instant, puis déclarai :

- La chose qui te semble la plus simple à apprendre à une débutante...

Je regardai le petit animal ronronner dans la cape de sa maîtresse. Je remarquai que Storm souriait toujours. Ne se départissait-elle jamais de son sourire ?

Je me levai et tentai de reproduire le premier exercice. C'était assez facile. Pour ce qui était était de la deuxième partie, c'était une autre paire de manche. Je n'avais pas tout à fait compris comment elle avait fait. J'entrouvris un oeil et demandai :

- Tu peux me remontrer s'il te plaît ?

Je recommençai, prenant tout mon temps cette fois-ci. Je n'étais pas pressée après tout. Je fermai les yeux et me concentrai. Je sentai l'air emplirent mes poumons, je sentai le petit souffle d'air que je m'efforçai de maintenir le plus longtemps possible entre mes doigts. J'inspirai profondément. Je gardai quelques secondes l'air en moi, puis le relâchai en entrouvrant la bouche. L'air que je rejetai venait emplifier mon courant d'air. Je sentis comme une sorte de disque au creux de ma main droite. J'ouvris vivement les yeux, et ouvris cette main du même élan. Le coup partit de lui-même et fit la même chose que les lames de vent de Storm auparavant.
Je lui jetai un rapide coup d'oeil :

- C'est pas tout à fait ça...

Je retentai ma chance, toujours avec les deux mains. Je n'arrivais pas aller aussi rapidement que Storm, mais au moins je m'y essayai.
Cette même sensation de disque se reproduisit, dans ma main gauche cette fois. Je tentai de la retenir mais elle partit toute seule, rejoignant la précédente.

Je fis un vague sourire déçue puis retentai ma chance, sans grande amélioration si ce n'était que les deux disques partirent ensemble.

- Au moins j'aurais un truc à travailler.

Je levai au ciel, réfléchissant à un moyen de réussir. J'avais appliqué ce qu'elle m'avait dit à la lettre. Le problème, c'était sûrement moi. Je n'y mettai peut-être pas assez de coeur... Je me consolai en me disant que ce n'était pas bien grave.

-... Tu savais te battre avant d'arriver ici ?

A sa première question je répondis :

- Si l'on considère que mettre des claques c'est savoir se battre alors je suis une redoutable adversaire... Mais franchement non. J'ai cru comprendre qu'il fallait se battre pour passer Master. Pas que j'envisage d'aller jusqu'à ce niveau mais on ne sait jamais.

Et j'espérai quand même ne jamais avoir à me battre, en tout cas, surtout pas pour moi-même. Je suivis son regard vers le ciel.

- Et tu y as cru rapidement...

En général, les gens croyaient ce qu'ils voyaient même lorsque ça paraissait irréel. Terrae était l'exemple même, on ne pouvait qu'y croire.

Je la vis, durant quelques secondes, devenir rêveuse, comme si elle songeait à quelque chose... à quelqu'un.

- C'est bon à savoir...

Je n'avais pas oublié sa proposition du jour où nous nous étions rencontrées. Je ne savais pas pourquoi j'y pensais maintenant... mais en tout cas, ça commençait à m'occuper l'esprit. Je revins m'asseoir et croisai les bras. Je ne voyais toujours pas pourquoi je voudrais lui parler de mon moi passé, et je ne voyais pas ce que j'en tirerai... Et pourtant...

- Tu viens d'où ?

J'esquivai sa question par une autre :

- Pourquoi "amies" ?

Je repris son geste. Je ne compris pas pourquoi son regard s'assombrit mais j'eus l'impression qu'en une question j'avais franchi un pas, une limite... que j'étais peut-être la seule à m'imposer.

- Un village perdu au fin fond de la Bretagne. Je ne pourrai pas te dire son nom parce que je l'ignore et qu'apparemment il est interdit de le prononcer dans ma famille, va savoir pourquoi !

J'imaginai un scénario abracadabrantesque, qui ne pouvait pas tenir debout...

Je ne sais pas comment j'aurais fait à sa place. Et j'avais du mal à m'imaginer dans sa position. J'aurai voulu m'excuser mais je détestai ce genre d'excuse qui au final ne signifiait rien parce qu'on savait pertinamment qu'on avait rien fait. C'était ce genre d'excuse qui était sensé nous faire passer pour des gens compatissant même lorsqu'on avait pas une once de pitié. A sa dernière remarque, je souris mystérieusement :

- Tu aurais peut-être dû me le dire trois ans plus tôt.

Je soupirai, puis levai les yeux au plafond. Il était de couleur clair. Etait-ce du blanc ou du gris ?