Toujours plus [ Së'ril]

Je jubilais. Accès à la salle d'entraînement feu ! Ce n'était pas rien... Bon, d'accord, je ne savais absolument pas me servir de ces nouveaux pouvoirs, mais la perspective d'arriver un jour à maîtriser le feu m'excitait. Avec une satisfaction très proche de l'orgueil, je franchis donc le seuil et hésitai un instant. Lame ou pouvoirs ? je n'étais pas assez forte pour maîtriser les deux... je n'avais fait que quelques essais...

Pleine d'un regret perceptible, j'ôtai la ceinture fine qui retenait mon baudrier de cuir où était attachée ma dernière oeuvre : un long sabre avec une lame plutôt épaisse. Je maniais moins bien ce type d'armes longues que les poignards, mais quand j'eus à enlever également ceux-ci, mon coeur se serra. Enfin... ils resteraient près de moi, je les aurais sous les yeux, et avoir le moins d'objets sur moi était la meilleure des solutions pour conserver ma forme le plus longtemps possible.

Détachant les yeux de mes armes, je remarquai alors Itaku qui avait l'air de réaliser des efforts surhumains pour faire exploser des boules de feu gigantesques au plafond. Impressionnée, je suivis ses mouvements des yeux, ne voulant pas l'arracher à son exercice par une conversation intempestive.

Mais la tentation se faisait trop forte. Je me pris à sourire et voulus lui signaler ma présence par un petit morceau de bravoure. Je me concentrai et fis jaillir une petite flammèche. C'était déjà ça. Après deux-trois tentatives, trop rapides pour être fructueuses, où la mince flamme s'éteignit au moindre mouvement, je parvins à la faire bouger autour de ma main sans dommages. Je ne pouvais pas l'éloigner de moi, aussi m'approchai-je d'Itaku dans son dos. Je fis osciller la petite chandelle à quelques centimètres de son visage, comme une mouche qui gênerait sa vision. Je souris. Cool, j'y arrivai !

Comme pour me défier, la flammèche s'éteignit au moment où je relâchais ma concentration pour prononcer mentalement ces mots. Déçue, j'attendis de voir si Itaku avait remarqué mon léger succès.

Un léger sourire apparut sur mon visage. Je remarquai au passage qu'il avait tendance à se dérider très souvent ces derniers jours... euphorie du moment ou... ?

Ange, même si c'est surprenant !

Je me concentrai et essayai de faire réapparaître une autre flammèche, mais sans succès. Le regard interrogateur, je levai les yeux vers Itaku. Avais-je entendu un "félicitations" ? Intriguée, je demandai :

Sincèrement, c'est bien ?

Je me renfrognai. Je préférais en général me débrouiller toute seule. Ou avait-elle dit ça par politesse, et pensait-elle au contraire que j'étais mauvaise ? elle était bien plus puissante que moi... Mais non ; ce que j'avais pu connaître d'Itaku ne ressemblait pas à cette mesquinerie. J'osais faire confiance à peu de gens, malgré tout sa physionomie ouverte, douce, son expression bienveillante plus sincère qu'une assistante sociale (^^) me rendaient sereine. Je décidai de profiter d'un moment de détente, un jour où ça allait mieux que d'habitude, et de me laisser aller à ses soins.

Ca ne t'embête pas ?

questionnai-je néanmoins, inquiète de l'obliger à interrompre son propre entraînement. Mais ma curiosité était la plus forte.

En étant ange feu, on peut faire beaucoup de choses ?

... Raaah. J'avais cet air naïf de petite-fille-bonne-élève que je détestais par-dessus tout... Corrigeant mon expression, j'essayai de prendre une attitude déterminée, et intéressée sans sembler simplette.

Mmmh... l'invisibilité me tentait, mais pour le moment je n'en ressentais pas le besoin ; l'idée de posséder la puissance du feu m'intrigait et m'attirait fortement, je décidai de ne pas m'éparpiller et de me concentrer tout d'abord là-dessus.

Ok, retour sur les flammèches ^^

J'avisai quelques bougies, posées sur une table dans un coin de la pièce pour les touuuut débutants ^^ Je m'approchai. Avoir un matériau inflammable sous la main était sans doute plus simple que de faire jaillir des flammèches loin de soi, et sans aucune matière première. J'étendis la main au-dessus de chaque mèche et, en m'y reprenant à quelques fois, je réussis à allumer cinq chandelles d'une petite flamme qui vacilla quelques secondes avant de s'évanouir.

Mouais, pas concluant, maugréai-je, déçue.

Des boules de feu ? déjà ?... ça ne me ressemblait pas d'être si peu sûre de moi. Pourtant, face à une énergie si nouvelle, j'avais du mal à retrouver mes repères. Mais j'écoutai attentivement Itaku, refourgant au plus profond de mon esprit la petite voix mesquine qui sifflait : "pourquoi la laisses-tu te donner des leçons ?". J'appréciais cette fille - je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais Rika devait avoir raison, cet endroit était spécial - et elle était douce et à l'écoute. Il faudrait sans doute que je m'habitue, à son contact, à être proche des autres et ouverte. Pour l'instant...

Je hochai la tête sans un mot, un éclair déterminé dans le regard. Bien, j'allais essayer.

L'effort était sensible mais je tentai de contrôler tous les muscles de mon corps - ou, à défaut, ceux du visage... ma main se mit à trembler. Je pouvais sentir le feu comme... bouillonner à l'intérieur de mon corps. Tu veux sortir ? Vas-y...

Un torrent de feu jaillit de ma main pendant une fraction de secondes, mais une partie se vaporisa dans les airs et l'autre alla s'absorber dans le sol avec un craquement de fournaise. Ca aurait été pratique pour allumer ma forge... malheureusement, j'avais plutôt l'impression que ma tentative de canaliser cette énergie avait échoué. Peut-être n'avais-je pas assez confiance en moi...

Sans regarder Itaku, je fis un second essai. Mes doigts étaient toujours agités de tremblements incontrôlés, et je changeai de main. La gauche était aussi habile que la droite, en tout cas pour ce qui était des armes. Cette fois, j'essayai de ne pas laisser sortir l'énergie aussi violemment et anarchiquement. Mesurant chaque geste, je me concentrai et, cette fois, eus droit à une petite boule de feu, de la taille d'une noix, dans la main. Je tentai de ne pas relâcher la concentration et, tout en me contrôlant bien, de la faire grossir un peu. Une pomme... une balle de tennis... une orange... un melon... zut !

La boule m'échappa et s'écrasa de nouveau au sol. Inquiète, je m'accroupis et examinai le plancher. Il était heureusement intact.

Je jetai un regard interrogateur à Itaku.

Un yoyo, quoi ! Je tentai de me rappeler les vagues souvenirs que j'avais de ce jouet, du temps où je m'amusais avec et où mon père m'apprenait à le tenir et le faire virevolter... mais le visage souriant d'Itaku, ses longs cheveux flamboyants se superposaient de façon douloureuse à ceux de mon père disparu. Je secouai la tête pour chasser la vision.

Bon... Je retentai l'expérience et, cette fois, réussis du premier coup à faire apparaître une petite noix de feu. En contrôlant bien sa puissance pour qu'elle ne devienne pas démesurée, je la fis léviter très légèrement au-dessus de ma paume puis, constatant qu'elle m'obéissait assez bien, tentai de la faire bouger, comme si un fil la reliait à l'intérieur de ma paume.

Je la fis tourner au-dessus de ma tête avec lenteur et précaution puis, constatant que cela marchait bien, tentai de passer à la vitesse supérieure. Imitant Itaku, je la projetai à petite vitesse sur le mur puis voulus la dévier. Il me sembla sentir dans ma main comme le claquement sec d'un élastique, comme si le filin de contrôle venait de céder ; mais ce n'était sans doute qu'une illusion... en tout cas, la boule s'écrasa contre le mur.

Pourquoi pas... mais il faut que tu m'expliques

répondis-je en levant un sourcil soucieux. [wow l'assonance XD]

Je me rappelai soudain à quel point je détestais me laisser guider... Pourquoi toujours lui demander ? je n'avais qu'à essayer par moi-même...

Bien que je n'aie aucune idée de comment m'y prendre, je me mis à examiner ma main sous toutes les coutures, imaginant qu'elle disparaissait et que je ne la voyais plus. Avec surprise, je constatai que mon petit doigt avait décidé de se volatiliser pour une fraction de secondes.

Je clignai des yeux et il réapparut. Incertaine de ce que j'avais vu, je glissai la main récalcitrante dans mon dos, relevai la tête et écoutai les explications d'Itaku.

Je fronçai les sourcils ; ça ne me paraissait pas clair... mais bon, je venais de réussir sans vraiment le vouloir à faire disparaître un doigt, alors admettons que ça devait être ça. Une énergie capricieuse, hein ? J'arriverais à la maîtriser ; je le savais.

Portée par une puissante détermination, je me concentrai à nouveau sur ma main, la fixai intensément et me mis à imaginer qu'elle disparaissait. Le résultat fut surprenant et pour le moins bizarre... sensation d'un très léger picotement, et ce fut comme si ma main se fondait dans l'air, perdait ses contours, sa forme, sa consistance et devenait évanescente comme l'aurore. Vraiment étrange...
En fait de réussite, je ne réussis qu'à faire pâlir le membre, mais le membre entier, c'était déjà ça. A mi-chemin entre l'opacité et la transparence, elle laissait deviner le sol ignifugé à travers la membrane de sa paume. Pas très ragoûtant.
Je fis un effort de concentration supplémentaire et la main reprit sa consistance tandis que je fixais mon attention uniquement sur l'index. Il... grésilla, comme sur un écran télévisuel où la réception serait mauvaise, et disparut. Maintenant la concentration, je bougeai doucement la main à gauche, à droite, mais l'exercice était éprouvant et je dus relâcher malgré moi au bout de quelques secondes. La sensation, une fois totalement invisible, n'était pas désagréable : j'avais eu l'impression que mon doigt baignait dans une sorte de liquide tiède et doux... c'était vraiment bizarre.

La méditation ?

Je réfléchis, puisant dans mes souvenirs. Un soupir coupa court à mes réflexions, qui me paraissaient vaines. Je supposai que ça devait ressembler à mes moments de perdition en moi-même quand j'écrivais ou allais me battre. Une concentration légère et irréelle... ouais, un truc dans le genre.

Je fermai les yeux sans attendre la réponse d'Itaku et tentai de me remettre dans l'état d'esprit de lorsque j'étais face à une feuille de papier. Mais, très vite, des vers remontèrent à la surface et je laissai tomber. Si je me laissais aller de la sorte, je serais sans cesse obligée de me déconcentrer pour noter mes trouvailles poétiques. Comment arriver une seconde à se concentrer dans ce brouhaha d'octosyllabes qui bruissaient comme de la moire au milieu de mon cortex ?...

Je ruminai un instant sa réponse en silence. Ca devait être d'un ennui, rester assis de longues minutes à ne rien faire d'autre que s'écouter ne pas penser... bon sang, j'y arriverais jamais. Et pourtant, je sentais l'énergie bouillonner en moi ; curieux exercice pour la maîtriser que de se laisser aller à abandonner toute forme de mouvement, de force, de feu...

A nouveau, je tendis un doigt et fis jaillir une petite flammèche. Cela m'amusait, allez savoir pourquoi... j'avais toujours aimé contempler une flamme qui vacille. J'étais sûre qu'il existait un autre moyen, plus actif, de maîtriser le feu.

[oh, absolument pas grave, en fait j'avais cru que le topic était fini ^^ on clôt là où... ? parce que j'ai continué à la faire évoluer dans d'autres topics, ce qui fait qu'elle n'arrivera pas à beaucoup plus de résultats pour l'instant ^^]

Invisibles, enflammées, mes armes ? ça pourrait vite devenir meurtrier... je frissonnai. Détachée de son contexte, l'idée était plaisante ; mais la violence me dégoûtait toujours... je levai les yeux vers Itaku et, sans aucune transition apparente comme toujours, je demandai d'une voix légèrement affaiblie :

Tu as déjà tué quelqu'un ?

On aurait dit une petite fille... je me sentis ridicule et me renfrognai l'espace d'un instant.